La déclinaison parisienne du fameux salon des jeux indépendants tenait sa troisième édition le weekend dernier dans le superbe cadre du Conservatoire National des Arts et Métiers à Paris.
Cette édition débutait par une keynote de Swery65, de son vrai nom Hidetaka Suehiro, un développeur ayant une longue expérience de la scène du jeu vidéo japonais. Swery65 est surtout connu pour des jeux comme Deadly Premonition ou D4. Avec beaucoup d’humour il nous a fait part de sa transition de cadre de grands groupes du jeu vidéo vers la création de sa propre société White Owls Inc et des avantages d’être indépendant.
Le temps de prendre un café avec un confrère devenu journaliste pour le grand journal belge Le Soir et j’enchaînais avec la conférence de Mike Rose. Mike est un ancien journaliste jeu vidéo (pour gamasutra ou Kotaku) qui avait travaillé pour le publisher Tiny Build puis créé son propre label “No More Robots”.Il a distillé à l’assistance de nombreux conseils afin d’assurer le meilleur lancement possible d’un jeu indépendant. Non sans humour.
J’ai ensuite filé direction Salle des Textiles pour voir les jeux présentés.
Parmi ceux-ci on trouvait aussi des projets qui débordent un peu du jeu vidéo conventionnel, comme Living Orb de Jonathan Giroux, cette sphère rempli de ronds s’allumant au grès des jeux (labyrinthe Pac-Man) et qu’on actionne en la faisant tourner dans nos mains.
Rotoring de l’allemand Gregory Kogos avait aussi un franc succès, son installation en bois composé d’une face avec deux cercles remplis de LED et un boitier de commande avec un bouton et un potentiomètre le tout sous arduino. Le⋅a jouer⋅se contrôle la LED la plus brillante et doit se diriger vers la LED vide, en évitant les ennemis (LED rouges). Les différents niveaux présentent de nombreux types de comportement ennemi, ajoutant des éléments de puzzle et de plate-forme au jeu.
J’ai pu tester un petit peu Healer’s Quest le jeu crée tout seul par Pablo Coma dont la version mobile ne devrait pas tarder. Dans ce jeu d’heroic fantasy utilisant la représentation des combats tours par tour des JDR japonais de type Final Fantasy vous jouer les soigneur⋅se et devez en temps réel maintenir en vie votre équipe de héros.
Please, do touch the artwork du studio Waterzooi est un puzzle game qui s’inspire des tableaux de Mondrian.
Carly and the Reaperman- Escape from the Underworld des suédois Odd Raven Studios était un jeu de puzzle au gameplay asymétrique invitant un⋅e jouer⋅se équipé⋅e d’un casque et de contrôleurs VR à jouer avec un⋅e autre sans le casque.
J’ai bien ri avec WHAT THE GOLF ? de Triband (qui avaient déjà réalisé Keyboard Sports – Saving QWERTY) une parodie de jeu de golf complètement folle où l’on ne golf pas qu’avec une balle mais avec une voiture une maison, …
J’ai essayé un peu Ministry of Broadcast, un jeu de plateforme pixélisé mélangeant real tv et monde totalitaire, dommage qu’il y avait une certaine lenteur dans les contrôles.
Felix the Reaper de Kong Orange avait un univers particulièrement affirmé. Vous contrôlez un apprenti faucheuse qui doit accomplir ses missions (mort d’un individu le plus souvent dans des conditions farfelues). Le personnage est particulièrement amusant et adore danser. Le jeu demandera à jouer sur la lumière et trouver comment avancer dans l’ombre.
Cellar Door Games (connus pour le succès de leur rogue like Rogue Legacy) présentaient Full Metal Furies un beat them all coop déjà sorti sur PC et Xbox One et devant sortir sur Switch en novembre.
The Game The Game d’Angela Washko met le joueur face à des pick-up artists (coach en séduction) dans une sorte de dating simulator. Les dialogues sont tirés des livres de vrais gourous. Une mise en perspective intéressante.
Insane Robots des anglais de Playniac apportait une touche agréable aux jeux de cartes avec une expérience plus concentrée.
Anyball créé par des étudiants de NYU (Laurenz Riklin, Hang Ruan, Pao Salcedo) est un jeu multijoueur générant des sports aléatoirement dans lequel il faut trouver l’objectif. Bref une sorte de Calvinball.
Homo Machina développé par le studio français Darjeeling est un jeu de puzzle amusant dans le corps humain façon usine inspiré des illustration médicales du scientifique Fritz Kahn.
Small Talk créé par l’équipe US de Pale Room porte bien l’adjectif d’onirique. Dans des décors rêveurs avec des personnages étranges vous allez simplement discuter. Parfois cela vous transportera dans des endroits différents, d’autres rêves.
Il y avait d’autres jeux que je n’ai hélas pas pu essayer faute de temps : Bossgard, Wandersong, Super Cane Magic Zerol, Enen, Don’t Kill Her, Forgotten Anne, Laser Mazer, Light Matter, Stereopolis, unheard, Bargain Quest, A memoir blue, A number’s game, A Fisherman’s tale , …
Mon coup de coeur fut Baba Is You du finlandais Arvi “Hempuli” Teikari déjà entraperçu par notre collègue Atlanticblue lors de la gamescom. Il s’agit d’un puzzle game avec une centaine de niveau dans lequel les règles sont représentées par des blocs que l’on active en les alignant. Ainsi les 3 blocs alignés “Baba” “is” “You” signifient que l’on contrôle Baba ,a la petite créature. Si l’on remplace le bloc “Baba” par exemple par celui de “Rock” vous vous retrouver à déplacer le caillou. On trouve aussi des blocs “and” permettant certaines associations. C’est plus facile à jouer qu’à expliquer mais c’est toujours très malin.
Retour aux conférences avec Marta Fijak designer chez 11 bit studios qui à travers son expérience de la création de la société dans le jeu Frostpunk nous explique que les choix d’algorithme et de gameplay expriment aussi une vision du monde.
La dernière conférence à laquelle j’ai assisté était celle de Jakub Dvorsky, nommée “Chuchel: a cultural phenomenon”, sur les bon conseils de netsabes, l’ancien journaliste de canard PC (oui je balance). Jakub est le fondateur, game designer et creative director d’Amanita Design, la société tchèque responsable des excellents, Machinima, Botanicula, Smorost ou Chuchel. Et là ce fut une blague : Jakub avec un grand sérieux a développé la thèse, photomontage ridicules à l’appui, que le personnage de leur dernier jeu, Chuchel, était là depuis la nuit des temps. De quoi rire un peu après une riche journée en conférences.
J’ai oublié de préciser mais ce festival attire des développeurs venu des quatre coins du monde et la langue de référence est l’anglais ce qui peut rebuter certains curieux.
Puis j’ai assisté en salle blanche à quelques “Playformance”, des performances basées sur des jeux vidéo.
Tout d’abord Jedidjah Julia Noomen, scénariste et metteuse en scène, nous a fait tous jouer à “Reigns: Game of Thrones”, la variante du jeu d’aventure minimaliste façon Tinder sur la fameuse série dark fantasy. Le jeu demandant de glisser des cartes à droite ou à gauche pour faire un choix, tous les spectateurs⋅rices ont participé à l’aventure en levant le bras d’un côté ou l’autre. Parfois un spectateur choisi au hasard devait justifiait son choix.
Puis j’ai assisté à la Playformance du youtuber “Un Bot Dans La Ram”. Celui-ci a évoqué les jeux /expériences créées par FuckGameDev un développeur créant des jeux uniques, c’est-à-dire dont il n’existe qu’une seule version. Après l’achat d’un de ces jeux seul une personne le possède. Il a capté son auditoire en décidant dans un geste iconoclaste de placer le jeu dans la corbeille de son ordinateur et de vider celle-ci rappelant Pierre Pinoncelli dégradant la Fontaine de Duchamp ou plus proche de nous l’autodestruction de l’œuvre Girl with Balloon de Banksy. Ce faisant il montrait qu’on pouvait faire disparaître un jeu, dans un monde ou les multiples copies et redondance rende le geste impensable.
Lucile Cossou, programmeuse, maker, et spécialiste des interfaces humain-ordinateur, nous a présenté le jeu One Hand Clapping (d’OHC Team) un jeu de plateforme très joli sorti cet été (et ayant reçu le prix du public à l’IndieCade de Californie) qui invite les joueurs⋅ses à chanter dans le micro pour résoudre des puzzles musicaux. Heureusement elle avait une belle voix (je ne me serais probablement pas prêté à un tel exercice en public 😉 )
J’ai ensuite filé vers la salle du cocktail pour échanger une coupe à la main avec des scénaristes, des sound designers, étudiants et autres développeurs. Ce fut à regret que j’ai dû quitter le festival au bout d’une journée.
Ce qui fait la force de l’IndieCade Europe c’est d’amener en un seul lieu des indés de tous les pays et de favoriser les échanges et le partage.
[…] You c’est un jeu indé astucieux, une one man project, que nous avions déjà pu essayer à l’IndieCade Europe 2018 et à la Paris Games Week l’année dernière. Le jeu est le fruit de l’esprit malin d’Arvi […]