Le rogue-lite triple A
Dans Returnal vous incarnez Selene, une astronaute dont le vaisseau Helios s’est Ă©crasĂ© sur la planĂšte Atropo (oui cela regorge de rĂ©fĂ©rences Ă la mythologie grecque) qui part Ă la recherche dâun mystĂ©rieux signal. Selene y dĂ©couvrira les vestiges dâune ancienne civilisation ainsi quâune faune et une flore particuliĂšrement hostile. Mais surtout, il est inĂ©vitable que lors de votre premiĂšre partie (ou premier cycle) Selene succombe Ă ses adversaires âŠ
Death Is Not the End
⊠et revienne Ă la vie, elle trouvera mĂȘme un cadavre se rĂ©vĂ©lant ĂȘtre elle-mĂȘme. La planĂšte semblant ne pas vouloir la laisser mourir pour de bon et lâentrainant dans un nouveau cycle c.Ă .d. que vous devrez recommencer votre partie depuis le dĂ©but Ă chaque mort.
Car Returnal est un rogue-lite c’est-Ă -dire un jeu inspirĂ© des principes de lâantique jeu Rogue sorti en 1980 sur terminaux Unix (oui comme dans la scĂšne de Jurassic Parc on se calme les nerds). Returnal reprend ainsi des principes de base comme la mort permanente, en effet un game over vous fera recommencer votre partie depuis le dĂ©but sans conserver les objets acquis lors de votre prĂ©cĂ©dent cycle. De plus, l’agencement des niveaux et des salles change Ă chaque partie. Toutefois de nouvelles habilitĂ©s aprĂšs avoir vaincu les boss vous ouvriront de nouveaux passages
Mais ça continue encore et encore, C’est que le dĂ©but d’accord, d’accord
Le gameplay est celui dâun third person shooter nerveux oĂč les ennemis vous noieront souvent sous les projectiles. Vos armes disposent dâun tir secondaire puissant mais qui met du temps Ă se recharger. Mais surtout la combinaison de Selene lui permet d’effectuer une ruĂ©e, un dĂ©placement rapide, durant lequel vous bĂ©nĂ©ficierez dâune brĂšve invulnĂ©rabilitĂ© Ă la plupart des tirs. En Ă©liminant des ennemis vous ferez grimper votre adrĂ©naline et cela vous octroiera des bonus comme une vision augmentĂ©e ou des missiles Ă tĂȘtes chercheuses. Mais le moindre coup reçu fera retomber l’adrĂ©naline Ă zĂ©ro. Et il vous faudra affronter de nombreux monstres. Dâailleurs certains dâentre eux Ă©voquerons au plus cinĂ©philes dâentre vous (ou otaku, car le film est adaptĂ© du manga All You Need Is Kill) les monstres (mimics) agiles et rapides aux multiples pseudopodes dâEdge of Tomorrow, dont le hĂ©ros, comme par hasard, aussi se retrouve coincĂ© dans une boucle temporelle. Ce nâest pas la seule inspiration du jeu, car la direction artistique avec son exploratrice en tenue spatiale, ses environnements trĂšs sombres et ses sculptures gigantesques semble vraiment sâinspirer des films de la saga Alien, Prometheus en particulier, tout en offrant une ambiance unique avec son cĂŽtĂ© horrifique implicite. Il nây a pas quâau grand Ă©cran quâil faut trouver des rĂ©fĂ©rences: la solitude de l’hĂ©roĂŻne dans un environnement labyrinthique hostile ne manquera pas de faire penser Ă la sĂ©rie Metroid, la carte de Selene faisant immanquablement penser Ă celle de Metroid Prime (en plus lisible toutefois).
L’histoire Ă base de fragments de souvenirs et de rares messages est parfaitement maĂźtrisĂ©e, mais câest la narration environnementale qui se dĂ©marque. Cette narration uniquement crĂ©Ă©e par le dĂ©cor est extrĂȘmement subtile, Ă lâinstar de la mise en scĂšne dâun film, oĂč chaque arriĂšre-plan offre un sens et une histoire. On apprĂ©cie aussi le personnage de Selene qui nâest pas quâune guerriĂšre mais surtout une scientifique qui essaie de cataloguer et documenter tout ce quâelle rencontre, elle traduit les lagunages anciens. Bref elle utilise son intelligence pour survivre, pas seulement sa puissance de feu.
Glow up
Returnal est un jeu dĂ©veloppĂ© par les finlandais de Housemarque, des dĂ©veloppeurs issus de la demoscene (pour les moins vieux, il sâagit dâun courant artistique deas annĂ©es 1980-90, dans lesquels des programmeurs exhibaient leur talent dans des dĂ©monstrations mĂȘlant informatique image et musique). Ils ont connu le succĂšs Ă travers Stardust, un shootâem up sur Amiga de 1993 quâils nâont eu de cesse d’adapter et de modifier (Super Stardust, Super Stardust HD, Super Stardust Portable, Super Stardust Delta). Mais ils ont essayĂ© divers genres : le twin-stick shooter avec Dead Nation et Alienation, le metroidvania avec Outland, le run&gun avec Matterfall. Câest curieusement le shooter Nex Machina auquel me fait penser Returnal. En effet les combats dynamiques de Returnal reviennent la plupart du temps Ă Ă©viter les innombrables projectiles des ennemis comme dans un bullet hell. Si les jeux de Housemarque ont toujours bĂ©nĂ©ficiĂ© dâune technique sans faille et dâun polish incontestables, il est clair que Returnal les fait vĂ©ritablement monter en gamme. Le jeu est absolument magnifique, une rĂ©elle dĂ©mo technique de la PS5 qui fait bien des envieux chez les possesseurs des autres supports. Les diffĂ©rents biomes regorgent de vie et d’infimes dĂ©tails, comme par exemple lâouverture de portes fermĂ©es depuis des temps immĂ©moriaux libĂšrant des particules de poussiĂšres saisissantes de rĂ©alisme, ou la brume dans certains passages. Et le jeu utilise parfaitement le retour haptique du pad PS5 (on sent la pluie tomber) ou les gĂąchettes adaptatives (une pression plus ou moins forte fait alterner le mode de visĂ©e et le tir secondaire). Le son nâest pas en reste avec une localisation spatiale impressionnante (si vous disposez du casque adĂ©quat au dâun systĂšme home cinĂ©ma)
SEGA Returnal c’est plus fort que TOI
Comme souvent dans les Rogue Lite, la difficultĂ© est importante (et jâavoue humblement nâavoir pas fini le jeu) car celle-ci demande une grande capacitĂ© dâadaptation plutĂŽt que lâanticipation et la mĂ©morisation comme dans un jeu de type die and retry car la disposition des salles change Ă chaque partie de mĂȘme que le placement des objets, bonus et ennemis. Le jeu nâoffre pas la possibilitĂ© de modifier le niveau de difficultĂ© et ne permet pas pour le moment (car la polĂ©mique enfle) de sauvegarder entre vos runs. Pour autant le gameplay est tellement satisfaisant que je nâai pas boudĂ© mon plaisir Ă relancer des parties en boucle, mais nĂ©anmoins cette indĂ©niable difficultĂ© est Ă noter pour les potentiels acheteurs. En fait Returnal sort le rogue-lite de la niche des jeux indĂ©s pour lâoffrir au public plus vaste des jeux AAA exclusifs, et peut-ĂȘtre que quelques amĂ©nagements n’auraient pas Ă©tĂ© inutiles.
Les trĂšs rares dĂ©fauts du jeu (certains dĂ©tails de lâinterface sont trop petits, pourquoi colorer en rouge l’Ă©cran quand l’adrĂ©naline grimpe alors que câest la convention pour un Ă©lĂ©ment nĂ©gatif dans tous les autres jeux, âŠ) ne sont pas grand choses en comparaison de celui intrinsĂšque d’ĂȘtre un rogue-lite avec son inĂ©vitable difficultĂ© et le sentiment de rĂ©pĂ©tition.
Avec ce titre au gameplay ciselĂ©, techniquement impressionnant et Ă lâambiance unique, Housemarque entre dans le cercle fermĂ© des dĂ©veloppeurs de jeux exclusifs haut de gamme Playstation, tout en se permettant dâinitier un nouveau public au genre du rogue-lite.
Test rĂ©alisĂ© Ă partir d’une version PS5 fournie par l’Ă©diteur.