Pietro Righi Riva, un game designer italien (responsable entre autres de lâexcellent Fotonica), a profitĂ© de lâIndieCade Europe qui sâest dĂ©roulĂ©e Ă Paris au CNAM pour nous faire part de son manifeste qui a pour ambition de concevoir des jeux non traditionels.
Ce manifeste sâappelle rejecta et comporte 10 points. Câest une rĂ©action face Ă une production du jeu vidĂ©o qui sâenlise dans une routine et aboutit Ă des produits formatĂ©s ou fades. Reste Ă savoir si son promoteur rĂ©ussira Ă appliquer totalement ces principes dans ses propres productions. NĂ©anmoins ces rĂšgles ont le mĂ©rite dâouvrir le dĂ©bat et dâapporter un dĂ©but dâauto-rĂ©flexion.
1/ Le jeu doit couler comme une riviĂšre, le temps doit exister au-delĂ de l’action du joueur
Riva suggÚre en effet que les développeurs doivent éviter de penser en termes de « fail states » et ne pas attendre une action du joueur. Le jeu doit pouvoir continuer sans une action du joueur.
2/ Le cadre doit ĂȘtre strictement instrumental au contenu et Ă la signification
DâaprĂšs M. Riva, le cadre ne devrait pas ĂȘtre simplement une excuse pour expliquer les rĂšgles du jeu. Au contraire, le cadre doit ĂȘtre au centre de lâidentitĂ© du jeu. Lâhistoire devrait ĂȘtre racontĂ© dans le jeu, pas des « cut-scenes ».
3/ Le matĂ©riel de source et les collaborations doivent ĂȘtre trouvĂ©s en dehors des jeux et des sous-cultures connexes
M. Riva encourage les game designers Ă faire lâeffort dâaller en dehors de leur zone de confort et de trouver lâinspiration en dehors du cadre geek/gamer traditionnel. Il suggĂšre de sâinspirer de la littĂ©rature (pas celle de genre) et de se concentrer sur la dramaturgie, la photographie, la mise en scĂšne⊠Il suggĂšre de demander conseil aux spĂ©cialistes de ces disciplines.
4/ Aucun jeu ne devrait durer plus de deux heures
Il explique cela comme une forme de respect envers son public dont le temps est limitĂ© et dâailleurs il prĂ©cise quâaucun de nous nâa dâidĂ©e qui dĂ©passe deux heures de contenu.
5/ Aucun jeu ne devrait prendre plus de six mois Ă produire
Pour M. Riva un jeu ne devrait pas dĂ©passer un an entre le concept et la sortie. Pour quâun jeu soit culturellement intĂ©ressant on ne peut pas attendre 2 ou 3 ans, il faut que cela soit plus rapide.
6/ La condition humaine doit ĂȘtre le sujet, les jeux de genre ne sont pas acceptables
Riva a bien prĂ©cisĂ© quâil respecte la science-fiction, mais il encourage les dĂ©veloppeurs Ă utiliser dâautres mĂ©thodes de reprĂ©sentation que la fantaisie. Il les encourage Ă utiliser le rĂ©alisme, lâhyper rĂ©alisme ou l’expressionnisme. Il les encourage Ă viser un public adulte et surtout Ă rejeter la beautĂ© apolitique (comme Journey ou Monument Valley) et ainsi Ă©viter la neutralitĂ© culturelle. Il veut que ces jeux parlent de personnages rĂ©alistes et de la façon dont ils interagissent entre eux.
7/ Toute la tradition de jeu vidĂ©o dans la forme, le style et le contenu doit ĂȘtre rejetĂ©e
Il encourage les game designers Ă questionner les Ă©lĂ©ments repris dâautres jeux. Il suggĂšre dâĂ©viter la nostalgie de joueur, les stĂ©rĂ©otypes : Les gens ne devraient pas connaitre les RPG avant de pouvoir jouer Ă un jeu.
8/ L’interprĂ©tation et la performance doivent ĂȘtre des atouts centraux et affectant le gameplay
Riva souhaite rejeter les histoires sans humanitĂ©. Il encourage le jeu dâacteur, de rechercher les diffĂ©rentes formes de capture vidĂ©o (mĂȘme si ça implique pour des devs indĂ©s de revenir Ă la capture façon Mortal Kombat).
9/ Les rĂ©sultats de la conception du jeu doivent ĂȘtre incertains, seules des questions sans rĂ©ponse doivent ĂȘtre posĂ©es
Le game designer ne doit pas se contenter dâavoir une idĂ©e dâun systĂšme de jeu parfait et ensuite de la rĂ©aliser, mais plutĂŽt dâĂȘtre curieux de ce quâil se passerait si on crĂ©ait cet environnement interactif. On doit changer d’orientation, passer du testing (sâassurer que tout marche) vers la rĂ©pĂ©tition, lâimprovisation.
10/ Le jeu doit ĂȘtre socialement accessible, viser un prix minimum durable, une portĂ©e maximale
Et pour cela il encourage Ă ne pas faire de contenu qui ne puisse ĂȘtre piratĂ©. Que le prix dâun jeu ne dĂ©passe pas celui dâun repas bon marchĂ© et dâutiliser des plateformes de distributions qui soit organisĂ©es (« curated »).
Ce manifeste me rappelle par certains aspects, et surtout par son radicalisme , un autre manifeste dans le domaine du cinéma : le Dogme95 de  Lars von Trier et Thomas Vinterberg.
rejecta comme le Dogme95 est une rĂ©action Ă l’utilisation abusive d’artifices aboutissant Ă des produits formatĂ©s, lĂ©nifiants et impersonnels.
Je pense que ce type d’initiative est trĂšs sain, en particulier pour un medium si jeune comme le jeu vidĂ©o qui a pourtant dĂ©jĂ une forte propension au nombrilisme et Ă la nostalgie.
Je ne manquerai pas de vous faire part des avancées de ce projet.